Jeune fugueuse recherchée
Refaire sa vie à l’étranger n’est jamais facile. Mais si la transition s’est avérée difficile pour Paula, qui a quitté la Roumanie pour s’installer à Laval en 2005, elle l’a été davantage pour sa fille de 15 ans disparue depuis le 16 septembre dernier d’un centre jeunesse. Paula a accepté de partager son histoire dans l’espoir de retrouver sa fille au plus vite et d’aider d’autres parents qui pourraient un jour se retrouver dans la même situation.
Quand ma fille est arrivée au Québec, je l’ai inscrite à l’école publique. Elle était bonne à l’école et donc subissait parfois des gestes d’intimidation parce qu’elle travaillait trop fort. On la traitait souvent nerd, on se moquait un peu de son accent et de son style. Comme j’étudiais moi aussi puisque mon diplôme d’ingénieure obtenu en Roumanie n’était pas valide ici, je n’avais pas beaucoup de temps pour elle. Malgré tout, elle a bien fonctionné au début. Les problèmes ont commencé lorsqu’elle a essayé de se faire des amies, les siennes étant toutes restées en Roumanie. Elle imitait les comportements néfastes de jeunes filles autour d’elle ce qui lui a causé beaucoup de détresse psychologique.
Le début du secondaire a été difficile. Elle n’arrivait pas à s’adapter à ce système déstabilisant. Sans raison, elle a commencé en octobre 2007 de souffrir d’insomnie grave. Elle dormait seulement 3h par nuit et perdait son pouvoir de concentration. Rendu au mois de décembre, elle n’était plus du tout capable de se concentrer, alors j’ai demandé à la psychopédagogue de l’école de me recommander un hôpital où elle pourrait recevoir de l’aide. C’est là que nos problèmes ont commencé, parce qu’à l’hôpital on disait à ma fille qu’elle était en très bonne santé, alors qu’elle fonctionnait de moins en moins. On lui a même dit qu’il s’agissait d’un conflit entre elle et moi parce que nous avions des points de vue différents.
Il faut dire que son comportement s’est beaucoup dégradé lorsqu’elle a eu 14 ans, une travailleuse sociale a dit à ma fille qu’elle était libre de ses choix même si cela ne plaisait pas à ses parents. Ça a été difficile pour moi de l’accepter. Je suis convaincue que ce n’était pas de la mauvaise foi de la part de la travailleuse sociale, mais une méconnaissance de notre culture. Nous sommes beaucoup plus rigides et nous sommes aussi très croyants.
À l’école, ça allait de mal en pis. Ma fille a été à plusieurs reprises impertinente envers la direction, qui finalement a décidé de la transférer dans une école alternative, en février 2008. C’est selon moi ce qui a déclenché sa chute en centre jeunesse. Je n’ai appris que plus tard qu’on n’a pas le droit de faire déménager un enfant d’école parce qu’il a un trouble de comportement s’il n’est pas violent, ce qui n’était pas le cas de ma fille.
Dans sa nouvelle école, ma fille a fait la rencontre de jeunes associés aux gangs de rue. Elle est tombée amoureuse de l’un d’entre eux, mais ça s’est mal terminé. Finalement, une amie de son ancienne école a parlé à une psychopédagogue, qui a alerté la DPJ. Ma fille a alors été placée en centre jeunesse pour une période indéterminée.
Un cadre mal adapté
La plus grande difficulté en centre jeunesse était d’obtenir un soutien médical adéquat. L’ordonnance du juge précisait pourtant qu’elle devait être médicamentée et suivie par un psychologue. Malgré le professionnalisme du personnel, je pense qu’il y avait un manque de coordination crucial.
Nous avons aussi eu de la difficulté à nous entendre avec l’hôpital où était inscrite ma fille. Dans notre culture, les médecins sont respectés, mais ils doivent nous donner l’heure juste. Jamais on n’a pu dire ce qu’elle avait: on persistait à lui dire que tout allait bien, pour le moment du moins. Ma fille n’a jamais été clairement dirigée vers une certaine hygiène de vie, on ne lui a pas donné de plan de traitement et ça la rendait encore plus confuse. Après un an et demi nous n’avons pas un seul papier qui nous dise ce dont elle souffre.
J’ai fêté le Nouvel an 2009 avec ma fille, à la maison. À un certain moment, elle se sentait triste et s’est isolée dans sa chambre. Quand elle est retournée en centre, j’y ai trouvé une lettre très triste, qui parlait de rejet de d’atteindre sa destination finale. J’ai alerté le centre et l’hôpital, qui ont organisé une rencontre entre elle et un psychiatre le 26 février. Ma fille est allée à la rencontre même si elle ne voulait plus les voir et a disparu juste après. Elle n’est revenue que le 26 mars.
On nous a convoquées pour la seconde fois à la cour des centres jeunesse le six mai et c’est seulement à ce moment-là que le juge a accepté que nous demandions un second avis médical. Il a précisé qu’elle devait toutefois continuer à recevoir un suivi médical en attendant qu’elle ne soit prise en charge par un autre hôpital, en septembre 2009. Et malgré cette précision, dès qu’il a été question de changer de centre hospitalier, l’équipe qui la traitait a déclaré qu’elle ne s’occuperait plus de son cas. Une intervenante du centre nous a rassurées en promettant que ma fille pourrait voir un psychologue du centre et suivre des formations particulières, par exemple une qui traiterait de l’estime de soi. Ils étaient supposés offrir ce cours en mai, mais il a finalement dû attendre en août. Et après deux cours, la formation a été abandonnée, faute de ressources. Donc pendant ce temps elle restait sans assistance psychologique ou psychiatrique, même si elle me disait souvent qu’elle n’était pas heureuse.
Je suis convaincue que les intervenants des centres jeunesse font de leur mieux, mais ce n’est pas le milieu idéal pour quelqu’un de fragile. Par exemple, sa chambre au centre faisait peut-être 1,80 mètre par 1,30 mètre, sans fenêtre. Elle se sentait comme en prison.
La goutte qui a fait déborder le vase était la réunion que nous avons eue ma fille et moi avec les intervenants de la DPJ et du centre le 11 septembre dernier. Depuis janvier, j’avais réalisé que le centre jeunesse avait beaucoup aidé à l’arrêter quand elle était en chute libre, mais qu’il ne convenait plus à sa condition. Elle voulait à tout prix se lier d’amitié avec les filles qu’elle côtoyait et semblait prête à tout pour se faire accepter d’elles. Son père croyait qu’elle devait demeurer malgré tout au centre, tant et aussi longtemps qu’elle ne serait pas rétablie. Mais il a changé d’avis au mois d’août et a accepté que je demande son retour à la maison lors de la réunion du 11 septembre.
Ma fille avait manifesté beaucoup de détresse dans les dernières trois semaines précédant cette rencontre. Et deux semaines avant le 11 septembre, trois filles de son groupe se sont enfuies. Les éducatrices du centre m’ont informée du fait que ces filles lui avaient demandé de fuir avec elles. Mais elle avait refusé à l’époque parce qu’elle savait que nous voulions la ramener à la maison.
Malheureusement, tout ne s’est pas passé comme prévu. À la réunion, les intervenants ont évoqué plusieurs raisons en grande partie justifiées pour lesquelles elle ne pouvait sortir tout de suite du centre. Cette décision a été un choc pour ma fille, d’autant plus qu’on ne pouvait lui dire quand elle pourrait espérer retourner à la maison. Le lendemain, elle s’est enfuie, laissant derrière elle une lettre où elle parle de danseuses, une fille qui voulait être bien mais est tombée dans un bar dont elle voulait partir.
Depuis, je n’ai pas de nouvelles d’elle et la seule trace que nous avions ne nous a pas fourni plus d’indices. Le grand danger dans tout ça c’est qu’elle est très fragile.
Des centres jeunesses plus sensibles aux troubles psychiatriques
J’ai rencontré plusieurs personnes extraordinaires au centre jeunesse où elle a été placée. Mais il y a place à l’amélioration. J’aurais espéré dans un premier temps que le programme offert soit plus adapté à chaque problématique et plus compréhensif. Par exemple, pendant l’été, ma fille et les autres jeunes n’ont accès à aucune colonie de vacances. Ils se sont ennuyés royalement!
Je m’attendais aussi à ce que le centre prenne le volet médical au sérieux, mais ça n’a pas été le cas. Et s’il se veut un modèle pour les jeunes, il devrait respecter les échéanciers fixés, c’est très important. Nous avons aussi eu plusieurs problèmes de communication à cause de notre différence culturelle. Par exemple, lorsqu’elle revenait à la maison, on lui donnait des poignées de préservatifs comme ça, tout simplement. Je sais qu’au Québec on est beaucoup plus ouverts à ce genre de chose. Mais en Roumanie, on n’offre jamais des trucs comme ça sans discuter avec le jeune, sans lui dire que l’amour se fait en conjonction avec un partenariat de longue durée, avec le mariage. Ce n’est pas par mauvaise intention, mais ça nuit beaucoup.
En dernier lieu, je crois que les centres jeunesse ne devraient surtout pas créer de fossé entre les parents et leurs enfants. L’idéal serait de déléguer des tâches aux parents. Je crois que la présence du parent au centre est nécessaire. Il doit participer à des activités, rester là-bas pendant une journée, accompagner son enfant et comme ça, la transition vers le retour à la maison est plus douce. Dans notre cas, ce qui s’est passé c’est qu’ils lui ont dit: « Si tu ne veux pas retourner chez ta mère, à 18 ans tu auras droit à un appartement ». Encore une fois, s’ils avaient tenu compte de notre différence culturelle, ils auraient agi différemment. Parce qu’en Roumanie, on ne quitte pas ses parents sans s’être mariés, c’est une question de croyances.
Messages pour ma fille
Paula nous a demandé de diffuser les messages suivants, au cas où ils parviendraient aux oreilles de sa fille.
Je t’aime, ta place est chez nous. Tu dois revenir vers une vie dans la lumière et vers un vrai amour. Je ne te juge pas et ton ami est le bienvenu. Si tu crois en Dieu, reviens chez toi.
Natascha et Peter sont venus à Montréal pour te voir. Ils te font dire qu’ils t »aiment et auraient voulu te parler avant de quitter, samedi dernier. Lynda est venue aussi, juste pour te voir. Elle te fait dire qu’elle est là pour toi et qu’elle a vécu des difficultés aussi. Elle promet d’être discrète si tu lui donnes des nouvelles, mais elle te demande d’appeler au moins, juste pour dire que tout va bien. Elle fait dire que le bébé a été baptisé dimanche et qu’elle aurait voulu que tu y sois. Ton père, finalement, te fait dire ceci: «I’m worried about you, you should come home.»
Mise à jour (13 octobre 2009) : elle a été retrouvée
D’autres enfants manquent toutefois toujours à l’appel au Québec
Consultez leurs fiches sur le site d’ Enfant-Retour Québec et n’hésitez pas à contacter l’organisme si vous avez la moindre information!
VOS COMMENTAIRES SUR LA DISPARITION DE MA FILLE
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L’art thérapie au service des jeunes déficients
Dossier Éducation
L’art thérapie au service des jeunes déficients
Ariane Aubin
La longue table qui trône dans un grand local de l’école Irénée-Lussier disparaît littéralement sous des montagnes d’aliments colorés. Sushis, pâtes, fruits et petits pains côtoient hamburgers et fromages. Mais que les gourmands ne s’y méprennent pas: le festin dont il s’agit, s’il est terriblement appétissant, est entièrement fait de carton pâte.
Ce «festin cartonné», comme le surnomment affectueusement ses organisateurs, a été conçu, imaginé, bricolé et peaufiné avec un sens aigu du détail par les élèves de l’école Irénée Lussier, où sont accueillis des jeunes de 13 à 21 ans souffrant de déficiences légères à sévères, d’autisme ou de surdité et où on les prépare à s’insérer sur le marché du travail. Né dans la classe de la professeure d’art thérapeutique Catherine Girard, le projet a été pris en charge avec beaucoup d’enthousiasme par l’éducateur spécialisé François Fortin (photo de gauche), qui travaille aussi pour l’établissement de la rue Hochelaga. Il a invité tous les groupes qui le souhaitaient à créer un nouvel élément qui s’ajouterait au banquet. Certains ont créé un barbecue plus vrai que nature, avec braises éclairées par des lumières de Noël orangées, alors que d’autres se sont représentés, assis autour de la table.
Des projets valorisants
«Voir le résultat final, avec la contribution de chaque groupe, ça a vraiment impressionné les élèves», explique Sylvie Boucher, une enseignante qui a participé au projet. Une de ses étudiantes, en voyant qu’elle avait contribué à produire une œuvre aussi imposante, a même été émue aux larmes. «Créer un événement autour d
e ça, avec une mise en scène élaborée, c’est ce qui fait la différence», ajoute François Fortin. Chez l’enfant souffrant d’un handicap ou d’une forme de déficience, l’estime de soi est souvent faible et les compliments, d’autant plus difficiles à accepter, précise leur collègue Catherine Girard. Les échecs sont plus fréquents que les réussites et les préjugés sont nombreux.
C’est pourquoi les animateurs à la vie étudiante de l’école rivalisent de créativité et d’énergie pour offrir aux élèves des occasions de s’épanouir et surtout, de développer leur autonomie, l’objectif ultime de l’établissement. Spectacles de marionnettes, décorations d’Halloween élaborées, bal de finissant digne des films hollywoodiens, aucun effort n’est ménagé et ce, malgré la lourdeur croissante de la clientèle. En 2004, François Fortin, plusieurs professeurs et élèves de l’école ont même mis sur pied un imposant défilé de mode théâtralisé en collaboration avec les jeunes musiciens de l’école Joseph-François-Perrault et des étudiants en design de mode. L’expérience a fait l’objet d’un documentaire intitulé La vie est un simple rendez-vous, où l’on suit quelques élèves des premiers préparatifs à la performance finale.
Tous ces efforts ont-ils des effets concrets sur les élèves de l’école Irénée-Lussier? François Fortin répond en citant l’exemple d’un garçon d’environ 13 ans, qui avait participé il y a quelques années à un spectacle de marionnettes. «Depuis sa naissance, il refusait de parler, même s’il en avait la capacité. Dans la pièce, nous lui avions confié une seule phrase à dire: “Je suis Balthazar”. À notre grand plaisir, il a non seulement été capable de prononcer sa réplique, mais cet exploit l’a débloqué complètement. Il a commencé à parler à partir de ce moment-là et depuis, on ne peut plus l’arrêter!»
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