Toxicomanie
M’en sortir pour mes fils
Il est difficile pour un ancien héroïnomane de faire la paix avec ses vieux démons. Pierre a dû passer par le remords et le rejet avant de se sentir renaître. Ce sont ses deux garçons qui l’aident à se battre pour continuer à vivre malgré son passé qu’il traîne comme un boulet.
Dominic Desmarais Dossiers Drogue
Pierre dit être sobre depuis près de 20 ans. Il n’en est pas certain. L’usage prononcé de drogues dures a nui à sa mémoire. «C’est difficile de me situer parce que j’ai eu de petites rechutes de deux ou trois jours, au début des années 1990. Je n’ai plus la même capacité de me rappeler, j’oublie vite. C’est plus à cause du LSD et de la colle parce que ç’a brûlé mes cellules.»
Séquelles à la consommation
Pierre prend le temps de fouiller dans sa mémoire. Il parle lentement avec, à l’occasion, des absences qui lui font perdre ses idées. Il a des éclairs de lucidité suivis de doutes. Il a beau être sorti de l’enfer de la dépendance, la drogue continue de l’affecter. «Ça m’a pris au moins 10 ans pour me remonter. D’abord physiquement, j’en souffre encore. Je n’étais pas une beauté, mais je paraissais bien. Aujourd’hui, on voit les résultats.» Pierre a la peau jaunâtre et flasque. Ses dents, pour ce qu’il en reste, sont gâtées. Âgé de 49 ans, il en paraît 15 de plus. Mais son apparence est le moindre de ses soucis. Il a des problèmes de foie, de la difficulté à dormir et à marcher.
«J’ai encore des séquelles. Je suis affecté mentalement. Quand je vis une crise, je suis maintenant capable de faire avec sans me doper. Avant, quand je n’étais pas bien dans ma peau, que je rêvais de gens qui se piquent, je ne dormais plus la nuit. Des fois, je ressens un malaise profond quand j’ai un flashback de cette période. Ça peut être quelque chose qui me ramène au passé. Et quand ça m’arrive, j’ai peur. J’ai peur de rechuter. Pourtant, ça fait des années que je n’ai rien consommé. C’est impossible d’oublier ça. Je vais toujours être de même. Je suis cicatrisé à vie.»
Junkie à l’héroïne
À force de côtoyer la mort et les endroits malsains, la fragilité de Pierre est sortie de l’ombre. Il doit affronter ce qu’il a fait semblant de ne pas voir quand il était sous l’effet de l’héroïne. «Quand je réalise ce que j’ai fait à certaines personnes, je me sens mal. Ça prend un salaud pour donner une aiguille à une femme enceinte. Je me déculpabilisais en me disant que c’est elle qui l’avait demandé. Je n’étais pas moi-même, à lui procurer de l’héroïne. Un junkie, pour moi, c’était comme un numéro quand je vendais de la drogue.»
En discutant, Pierre revit un malaise qui le secoue. Le passé revient le hanter. Pour passer au travers, il pense à ses garçons. «Ce qui me ramène immédiatement, ce sont mes fils. Je ne me mettrais jamais une aiguille dans un de mes bras avec mes enfants. Je ne leur ferais jamais vivre ça. C’est impensable. Plutôt me tirer une balle.»
L’amour d’un père
Pierre a commencé à se droguer pour fuir son père. Il veut être un autre modèle pour ses fils de 17 et 16 ans, qu’il n’a pu voir tout au long de leur enfance en raison d’une mésentente avec la mère. «Elle a été abusée sexuellement par son père. J’ai essayé de l’aider, mais je lui nuisais. La rupture était inévitable. Elle était centrée sur le matériel et l’argent. Mais je n’ai pas de rancune, c’est elle qui m’a donné mes deux enfants. J’ai vu, plus tard, qu’elle avait bien fait de me quitter.»
Sa conjointe part avec leurs garçons alors qu’ils sont en bas âge. Pierre se bat pour les voir puisqu’il partage la garde. «Mais elle me faisait trop de troubles. Elle a appelé la police plus d’une fois de sorte que si je me présentais chez elle, la police allait rappliquer. Ça m’a démoralisé. J’ai été voir des avocats, ce que je ne voulais pas au début parce que je n’avais pas d’argent. Je me sens mieux et je suis capable d’accepter ce qu’elle m’a fait. Elle avait des problèmes à régler. Tout comme moi.»
La DPJ
De loin, Pierre essaie de garder le contact avec ses fils. Il leur envoie des cadeaux et des cartes pour Noël et aux anniversaires. Elle lui retourne tout ce qu’il offre. «Ils ne les ont jamais vus! Elle avait peur qu’ils aient une relation avec moi. Elle ne voulait pas que je les voie. Elle leur a dit que j’étais un pourri, un dopé. Ils me l’ont avoué il n’y a pas longtemps.»
L’ancien junkie se résigne. Il s’attend à revoir ses enfants à leur 18e anniversaire. Jusqu’à ce que la DPJ entre en contact avec lui au sujet de Brian, son plus jeune fils. «Il avait 15 ans. Il créait des problèmes parce qu’il me cherchait. Il en voulait à sa mère.
Et quand la DPJ entre dans la vie d’un jeune, les deux parents doivent être rencontrés. Si j’ai une belle relation avec mes enfants, c’est grâce à lui parce qu’il a forcé les choses pour me voir. Il manquait la présence de son père. Un enfant a besoin de ses deux parents.»
Un rapprochement difficile
Même s’il a cessé de consommer, Pierre a de la difficulté à se rapprocher de sa famille. Son père reste aussi dur à toucher. «J’aurais aimé qu’il puisse s’ouvrir et me dire qu’il m’aime. Avec le temps, j’ai vu que c’était impossible. Pour lui, un homme n’affiche pas ses émotions et sentiments. C’est sa mentalité.
Un homme ne pleure pas, il n’a pas le droit. C’est comme ça que j’ai grandi. On va avoir une relation froide jusqu’à sa mort. J’ai fait mon deuil. Je ne peux pas devenir ami avec lui, ou même avoir une relation père-fils. J’ai arrêté d’essayer.»
Avec sa mère, c’est la même chose. «C’est pire encore. Elle a toujours eu l’esprit d’une femme au foyer. Faire le ménage, le souper sur la table quand son époux arrive pour le voir content. Il n’y avait pas de vie familiale.
Si on faisait une activité, un voyage, on ne partageait pas ce qu’on voyait, ce qu’on vivait. On le gardait chacun pour soi. J’aurais aimé ça qu’on s’ouvre. Ma mère non plus ne m’a pas pris dans ses bras pour me dire qu’elle m’aimait.»
Impossible pour Pierre de tisser des liens qui n’ont jamais existé avec ses parents. L’amour et l’écoute qu’il aurait aimé recevoir, il l’offre à ses fils. «Avec mes enfants, c’est complètement différent. On a une relation amicale. J’accepte les erreurs que je fais avec eux. Je leur dis quand j’en fais. Et je leur demande de me le dire quand je leur fais vivre quelque chose. Ça m’encourage.
Si je suis encore debout et positif, c’est à cause d’eux. J’ai été un junkie, plusieurs personnes sont mortes indirectement parce que je leur ai vendu de la drogue. Mais mes deux enfants me font dire que je n’ai pas tout raté. Je donnerais ma vie pour eux. Ils viennent avant moi.»
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VOS COMMENTAIRES SUR Consommation de drogues: conséquences et séquelles
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Crédit: se faire refuser une carte de crédit
Cartes de crédit
Ne pas avoir de dossier
Il existe une multitude de raisons d’être inconnu des institutions bancaires. Une femme au foyer ayant utilisé le compte de son conjoint, une personne sortant de prison, un nouvel immigrant… tous ont un point commun: leur absence de dossier de crédit fait craindre le pire aux institutions financières.
Delphine Caubet dossiers Cartes de crédit et les consommateurs, Banque.
Quotidiennement, les cartes de crédit sont utilisées. Pour avancer un fonds, louer une voiture, payer par Internet… Son usage est aussi multiple qu’indispensable. Mais pour y avoir accès, pas de solution miracle: il faut gagner la confiance du banquier.
Prépayée
Pour offrir un service similaire au client, la solution de facilité de la banque est la carte de crédit prépayée. En pratique, elle porte mal son nom de carte de crédit, car le client verse ses propres fonds, et il ne s’agit en aucun cas d’une avance de la banque.
Mais attention, si cette solution est la plus simple pour la banque, Philippe Viel, d’Union des consommateurs, met en garde les clients. Les frais inhérents à ces cartes sont extrêmement élevés, parfois jusqu’à 60$ de frais d’activation. Mais l’avantage est qu’elles permettent au banquier d’évaluer son client, pour ensuite lui proposer d’autres options.
Avant de s’engager dans une carte prépayée, Sophie Sylvain, planificatrice financière et gestion du patrimoine au Mouvement Desjardins, rappelle que ces cartes ne servent pas à bâtir un dossier de crédit.
Lorsque les fonds sont épuisés, il faut les recharger, et elles ne se transforment pas en carte de crédit.
Si vous recherchez un mode de paiement via Internet, Philippe Viel conseille vivement de choisir un service en ligne tel que Paypal, qui est généralement sans frais pour l’utilisateur.
Bâtir son crédit
Les étudiants ont un meilleur accès aux cartes de crédit, car ce sont de futurs travailleurs. Mais qu’en est-il des nouveaux immigrants ou d’une personne sortant de prison? À 30, 40 ou 50 ans, difficile de représenter l’icône de l’employé qui gravira les échelons et fera fortune.
Pour prouver sa stabilité au banquier, Roger Lafrance de l’ACEF Montérégie-Est conseille de débuter avec un petit crédit de 300 ou 500$. Une somme risible pour une banque, mais capitale pour un individu sans dossier de crédit. Le montant n’est pas l’important, c’est une occasion de prouver sa fiabilité à la banque, tout en pouvant régler par Internet.
Cartes de magasins
Dans un dossier de crédit, beaucoup de factures ont leur importance. Le paiement du téléphone, du loyer… et les cartes de crédit des magasins. Et ces dernières peuvent vous aider à bâtir votre dossier.
D’après Martine Marleau, consultante budgétaire à l’ACEF de l’Est de Montréal, les cartes de crédit qui ne sont pas d’institutions bancaires peuvent être un outil. Les magasins sont moins regardants et ces cartes sont plus accessibles. Mais là encore, attention aux pièges: les taux sont extrêmement élevés. «Il faut faire attention à son utilisation et bien la payer chaque mois», conclut-elle. Car, autant ces cartes peuvent vous aider à bâtir un dossier, autant elles peuvent vous pénaliser dès sa création en cas de mauvaises utilisations.
Simone Bilodeau, de l’ACEF Rive Sud de Québec, conseille de ne pas les multiplier. Il faut connaître sa capacité à rembourser, base d’une saine gestion budgétaire.
Patience et rigueur
Il n’existe pas de solution miracle pour bâtir un dossier de crédit. Le temps et la rigueur sont les seuls maîtres mots. Il faut être prêt à débuter avec de petits crédits pour prouver sa fiabilité. Point positif, les professionnels consultés ont reconnu qu’une fois cette confiance acquise, «cela peut aller très vite.»
En attendant, il faut prendre son temps et passer au travers de ces mois ou années pour se bâtir un bon dossier. Il est difficile de donner une durée pour avoir la confiance de la banque, chaque histoire étant unique. Mais d’après nos observateurs, on parle davantage de 1 ou 2 ans en l’absence de dossier.
Autre point important pour apaiser la banque: faire un budget et épargner. Comme l’explique Simone Bilodeau, même sans dossier de crédit, une épargne peut donner confiance à la banque, «mais cela ne fonctionne que pour l’institution financière où sont les fonds», précise-t-elle.
Le Mouvement Desjardins acquiesce: il est conseillé d’épargner, même des petites sommes, mais régulièrement.
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Québec: 418-643-1484
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