Premiers pas vers la prostitution

Dossier Prostitution et Sexualité

Christine Burtin-Lauthe. Vol 14 no 6, août 2006

«Chacune a une histoire de son entrée dans la prostitution, affirme Laura. Lorsque je regarde des reportages sur le sujet, ça m’énerve un peu, parce que je trouve ça caricatural. Mon histoire, c’est ma réalité à moi. Elle peut ressembler à celle d’une autre, mais c’est quand même la mienne.»

Laura m’a confié son histoire de prostitution. Pour comprendre ce qui l’a fait entrer dans la prostitution, il nous a fallu remonter à son enfance. En regardant le document sur les «Facteurs associés à l’entrée dans la prostitution»*  Laura a compris pourquoi elle est devenue prostituée. Contrairement à la classification présentée, elle n’avait pas été abusée sexuellement dans son enfance. Elle n’avait pas de parents séparés. Là où elle se reconnaissait, c’est d’avoir souffert très durement de carences affectives: «Le rejet et le manque d’amour, ça arrive en premier.»

Sa mère avait abandonné ses trois premiers enfants et ne voulait pas d’elle. Lorsque Laura est née, sa mère a voulu la confier à un membre de sa famille pour adoption. Elle a finalement rencontré un homme qui aimait les enfants. Elle garde Laura. «Toute mon enfance, j’ai pensé qu’elle le regrettait. Je me sentais comme un paquet qu’on trimballe.»

Imprévisible, stressante, se fâchant pour des riens, criant beaucoup, sa mère lui faisait vivre l’enfer. Elle se souvient d’une enfance solitaire (sa sœur est née cinq ans plus tard). Elle était laissée à elle-même. Elle avait peur de cette mère violente. «Je me disais que c’était de ma faute, que c’était moi qui n’était pas correcte. Pourtant, lorsque j’allais en visite, les gens me trouvaient gentille, calme, bien élevée. J’étais très raisonnable.»

Une tante lui raconte l’enfance de sa mère qui a été orpheline à deux ans, abusée et battue par son père. «Ma tante me parlait beaucoup. À 10-11 ans, je savais ce qu’avait vécu ma mère. Ça m’a aidée à ne pas la détester et peut-être à l’excuser». Son père adoptif n’arrive pas à s’interposer, à la protéger. «Il voyait bien ce qui se passait, mais il ne disait rien. Il avait eu une enfance miséreuse. Immigré,  travaillant fort, sa faiblesse était la boisson. Il ne nous a jamais tapées. Il jouait avec nous, ses filles, et le soir nous attendions son retour avec impatience. Heureusement qu’il était là.»

Prostitution urbaine

À 18 ans, elle n’en peut plus de l’ambiance stressante de la maison. «Même dans mon lit, j’étais stressée!» Elle part seule pour trouver la tranquillité. Pendant un an, elle a son appartement, un petit boulot, et se débrouille pas mal. Puis, elle vient à Montréal et pense s’en sortir aussi bien.

Dans la grande ville, la réalité est tout autre. La vie en ville est dure. Sans travail, l’aide sociale ne suffit pas. Sa voisine de palier semble avoir beaucoup d’argent et mener une belle vie. C’est elle qui propose à Laura son premier client. «Mon premier gars, il était assez beau, délicat, et, en plus, il me payait bien. Il m’a demandée régulièrement par la suite. Quand tu tombes sur un gars comme ça en entrant dans la prostitution, tu ne t’en fais pas la même idée.»

Illusions de la prostitution

Toute son enfance et son adolescence, Laura a entendu sa mère lui crier qu’elle n’était bonne à rien, qu’elle était moche et qu’aucun homme ne voudrait d’elle. Lorsqu’un homme paie pour l’avoir, Laura se sent importante, intéressante, et même belle! Elle fait mentir sa mère. Elle peut enfin prendre sa revanche. «Avec mon bagage familial, je ne pouvais même pas imaginer qu’un homme paie pour coucher avec moi. Le pouvoir, c’est à ce moment là que tu le découvres et que tu joues avec lui. C’est sûr que, si ça s’était mal passé la première fois, je n’y serais pas revenue!»

Après, il y a eu d’autres hommes moins beaux, moins généreux. Puis, la drogue «pour ne rien ressentir», les bars, la rue et toujours la peur. Cette peur de tous, omniprésente. «J’avais besoin qu’un homme me paie pour me sentir femme, jolie, valable, attrayante. Aujourd’hui, je n’en ai plus besoin. Je sais qui je suis. Mes besoins se sont modifiés. L’argent ne m’intéresse plus. À l’époque, «paraître» était très important pour moi. Et puis, dans ce milieu, tu dois bien paraître. Pour cela, j’avais besoin d’argent. C’était un cercle vicieux!»

Sortir de la prostitution

Sortie de la prostitution depuis plusieurs années, Laura me dit avoir enfin trouvé la tranquillité. Comme toutes les personnes qui font ou ont fait de la prostitution, Laura nous rappelle par son histoire, qu’au-delà de l’étiquette «prostituée» ou «ex-prostituée», elle est avant tout une personne…

Aujourd’hui, elle renoue tout doucement avec ses parents. Ils se parlent, se rencontrent de temps en temps. «Je crois que mes parents, parce qu’ils ont vieilli, seraient de meilleurs parents aujourd’hui.»

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