Suicide: Impact sur la famille

Dominic Desmarais              Dossiers Suicide et Famille

Un être en détresse s’enlève la vie. Il laisse derrière lui sa famille, ses amis. Pour eux, la vie continue. Il faut préparer les funérailles du défunt. Reflet de Société vous propose le regard de ceux qui sont en première ligne après l’acte fatidique, l’entreprise funéraire.

 

La mort, Claude Poirier connaît. Depuis 50 ans, il travaille pour l’entreprise familiale Magnus Poirier qui offre des services funéraires. Un demi-siècle à vivre avec la mort sous toutes ses formes. Aujourd’hui directeur-général, il a fait le tour du jardin. De son entreprise comme de la mort. S’il vit de la mort, il ne la banalise pas pour autant. L’homme est sensible au désarroi des autres. Il a appris, avec le poids des années, qu’il vaut mieux exprimer sa douleur que la conserver pour soi.

Le suicide: un sujet tabou

«Il y a quelques années, le suicide était un sujet tabou. Les familles disaient que le défunt était mort d’une maladie. Aujourd’hui, on voit que les gens sont un peu plus ouverts» affirme M. Poirier, calé dans son fauteuil. L’homme a la verve facile. Il s’ouvre sans se faire prier. Il en a tant à dire qu’il reprend son souffle tout en parlant. C’est que des gens éprouvés par le suicide d’un proche, il en rencontre fréquemment. Beaucoup plus que ce que laissent croire les médias. «Le suicide est une cause de décès des plus fréquentes» raconte-t-il avec compassion.

Si les gens ont tendance à s’ouvrir un peu plus qu’hier, c’est peut-être en raison de la place moins grande qu’occupe la religion, croit le directeur-général de l’entreprise funéraire. «Autrefois, lorsqu’il s’agissait d’un suicide, les curés ne se déplaçaient même pas. Ce n’était pas accepté. Le défunt pouvait même ne pas recevoir de service religieux pour son enterrement. C’est dire la frustration vécue par les familles. Aujourd’hui, il manque de curés. Les salons funéraires ont pris leur place. Et nous, on a commencé à s’informer pour aider les familles.»

Famille: culpabilité et isolement

Les causes du suicide ne regardent pas M. Poirier. Ce sont les victimes collatérales qu’il rencontre. «Le pire pour la famille, c’est de ne pas savoir pourquoi. Les gens culpabilisent. Ils se sentent responsables, dit-il. C’est évident qu’ils ont besoin d’un support psychologique. Il faut éviter qu’ils s’isolent», considère le directeur-général qui, dans ses temps libres, est président fondateur de Réseau Ado, un organisme qui fait de la prévention du suicide auprès des jeunes.

Tension aux funérailles

Si chaque funéraille a son histoire, M. Poirier est catégorique: celle touchant la mort par suicide est bien différente. «Avec un certificat de décès indiquant un suicide – c’est aussi vrai pour le sida et le VIH – on sait que la cérémonie sera très émotive. Les esprits sont échauffés, très tendus. Que ce soit un jeune ado ou un homme de 50 ans, il y a deux côtés à la famille. Il arrive des frictions entre eux. La famille du défunt pointe du doigt le conjoint. Elle veut même l’exclure du salon funéraire. On l’a vécu à quelques reprises. Une famille qui engage une compagnie de sécurité pour empêcher l’autre côté de la famille d’avoir accès au salon.»

Approche différente

L’approche du salon funéraire est différente dans les cas de mort par suicide. «Avec ces gens, l’écoute prime, explique François Vézina, directeur de succursale chez Magnus Poirier. On ne commence pas à parler de cercueil. S’il faut prendre 3 ou 4 heures pour la rencontre, nous allons le faire. On se fie à la famille, on s’adapte à eux.

J’ai déjà eu une rencontre de 5 heures. Que puis-je faire quand la famille pleure? Je les laisse. Ils ont besoin d’être seuls. Je me retire et les attend dans une pièce à côté. C’est de la chaleur humaine que ça prend.» Ce jeune homme, aux allures de professionnel avec ses cheveux bien taillés en brosse et ses lunettes stylisées, est lui-même passé par l’emploi de conseiller auprès des familles pour organiser les funérailles. Il affiche une maturité et une ouverture d’esprit peu communes.

Décision à la famille

«C’est la famille qui décide de la tournure de la rencontre. S’ils sont froids, je n’ai pas à les juger. Je ne connais rien d’eux. Je n’ai pas le mort devant moi. J’ai la famille qui reste. Mon fils s’est suicidé à la suite d’une rupture amoureuse. Il y a l’émotion, là. Il peut y avoir de la rancune, comme si c’était la faute de l’ex, si leur fils est mort. Mais il faut leur faire comprendre que la petite amie a peut-être besoin d’aide. On ne peut plus rien pour le défunt. Sauf qu’il y a son entourage. C’est de ces gens qu’il faut s’occuper. Tout ce qui touche la mort subite, c’est de voir comment les gens sont dépourvus. Ils n’ont plus de moyens. Peu importe leur statut social.»

François replonge dans ses souvenirs pas si lointains de conseiller. Il se souvient des difficultés – et des préjugés – ressentis par les familles dont un membre s’est enlevé la vie. «Voulez-vous une annonce pour offrir des dons pour la prévention du suicide?» Bien non, ils ne veulent pas dire que leur enfant s’est suicidé. C’est pire encore s’il s’agit d’une personne âgée. C’est une honte. Et si le conjoint se suicide, immanquablement, ils vont se demander si c’est de leur faute.»

Vie fragile

La culpabilité de ne pas avoir su, de n’avoir rien fait, d’être la cause du départ de l’être aimé. Une culpabilité qui n’a pas d’âge. «Ce que nous avons remarqué, reprend François, c’est que le suicide touche toutes les catégories d’âge. Des fois, les familles n’ont aucune idée. Tout allait bien… Elles ne l’ont pas vu venir.»

Pour se protéger de la détresse qu’il côtoie au quotidien, François se met une barrière. «Moi, je me dis qu’ils vivent un deuil, comme j’en ai vécu et que j’en vivrai encore. Tu prends conscience que la vie est fragile. Les gens planifient pour plus tard, pour la retraite. Moi, quand j’ai envie de faire telle chose maintenant, je le fais. J’en ai trop entendu des mon mari est parti travaillé, il n’est jamais revenu.»

Reflet de Société, Vol.17, No2, Février/Mars 2009 p.16-17

1095705_83196012 Ressources:

Pour le Québec: 1-866-APPELLE (277-3553). Site Internet. Les CLSC peuvent aussi vous aider.

La France: Infosuicide 01 45 39 40 00. SOS Suicide: 0 825 120 364  SOS Amitié: 0 820 066 056

La Belgique: Centre de prévention du suicide 0800 32 123.

La Suisse: Stop Suicide

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