Le défi des gangs de rue
Dominic Desmarais Dossiers Gang de rue, Hypersexualisation , Prostitution et Sexualité.
Des jeunes patrouillent les parcs, une polyvalente engage un ancien policier comme médiateur… des solutions se mettent en place pour affronter les gangs de rue. Mais les moyens sont dérisoires. «Si c’était si simple, ça ne ferait pas 20 ans qu’on y réfléchirait. On est pas arrivé à une solution.» Le verdict tombe comme un coup de massue. De la part d’un poids lourd de la lutte contre le phénomène des gangs de rue, l’impact fait mal.
Chantal Fredette est criminologue au Centre jeunesse de Montréal. Avec 3 collègues, elle a rédigé en 1998 un rapport sur les gangs de rue, commandé par la police de Montréal. Les chercheurs ont découvert que les jeunes solidement attachés à leurs parents, à leur école, à des amis et à leur communauté risquent moins d’adhérer à un gang de rue. D’où la nécessité d’impliquer tous les acteurs de la région concernée, police, écoles, familles, ville, gouvernement, milieu judiciaire, milieu communautaire, CLSC. Ensemble, ils peuvent combler les besoins d’appartenance, de valorisation et de protection que certains vont chercher dans les gangs de rue. «La solution aux gangs de rue, ce n’est pas juste la responsabilité de la police mais de tout le monde. Du citoyen au premier ministre du Québec», plaide Mme Fredette.
«Pour l’instant, chacun rame de son côté. On est pas encore rendu à la perfection, mais c’est en train de s’améliorer. Il y a 6 ou 7 ans, c’était n’importe quoi», note Harry Delva, coordonnateur de la Maison d’Haïti, un organisme communautaire offrant des activités aux jeunes. M. Delva constate une ouverture récente des différents acteurs. «Les écoles et les CLSC acceptent le partenariat. On se dit que oui, c’est vrai, on intervient avec le même jeune.»
La criminologue Chantal Fredette n’est pas aussi optimiste. «On a pas encore trouvé une façon de travailler ensemble. On a pas les moyens de nos ambitions. On tire partout. On fait n’importe quoi. Ça m’inquiète, s’emporte-t-elle. Les gangs de rue, ça touche 10% des jeunes. Il faut aborder la pauvreté, pas juste les gangs de rue.» Elle propose de contrer l’attrait des gangs de rue en prenant de front plusieurs problèmes sociaux. «Ce qui marche pour les gangs de rue va marcher pour le taxage, la drogue, la violence, le décrochage scolaire, la prostitution. Pourquoi alors financer des problématiques plutôt qu’un programme dirigé sur le jeune?», demande-t-elle, dénonçant cette pensée à court terme. «On est dans la mode. C’est tendance de parler gangs de rue. Mais l’an prochain, on ne va parler que d’hypersexualisation. Pas de gangs de rue. Et on ne fera pas de liens entre les autres problématiques comme la faible estime de soi et la prostitution…», déplore Mme Fredette, découragée. Mais son enthousiasme ressurgit aussitôt. La battante refait surface. «Ce qui me réconcilie, c’est que je suis en contact avec des intervenants extraordinaires qui ont la volonté de changer les choses.»
Une approche concentrée sur le jeune? Harry Delva n’est pas tout à fait contre. «C’est sûr que ce serait intéressant de pouvoir l’axer sur le jeune. Mais qui dit jeune dit famille. Il faut un projet qui peut aider le jeune dans la famille.» L’inspecteur Jean Baraby, de la police de Montréal, interpelle les parents, facteur le plus susceptible d’empêcher le jeune d’adhérer à un gang de rue. «Intéressez-vous à vos enfants. Dites-leur: t’es important pour moi. Valorisez les études!»
Bien qu’il ne veuille pas minimiser le phénomène des gangs de rue, l’inspecteur Baraby tient à rappeler que, malgré la visibilité des gangs de rue dans les médias, il ne faut pas voir derrière tout jeune un membre de gang de rue. «On a des énergies à mettre dans la lutte contre les gangs de rue, mais il y a toujours bien 99% des jeunes qui fonctionnent bien.»
Et malgré le bon vouloir de tous, du citoyen au premier ministre du Québec, le jeune a un gros mot à dire. «Tant que le jeune n’a pas décidé par lui-même de quitter le gang de rue, il n’arrivera rien», observe Harry Delva. Un argument de plus pour concentrer les ressources sur le jeune?
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05/18/05
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Le défi des gangs de rue. Excellent titre. Parce que les gangs de rue sont une réponse des jeunes au vide social qu’on a laissé. Les gangs de rue remplissent ces vides à leur façon. L’autre article sur les gangs de rue méritent d’être lu. Genèse des gangs de rue. C’est inter-relié. On en est rendu au défi des gangs de rue parce qu’on a laissé la genèse des gangs de rue débuter.
Vous avez parfaitement raison M. Tremblay de mentionner que les 2 textes: Défi d’un gang de rue et Genése d’un gang de rue sont complémentaire. Ils ont été réalisé et publié ensemble dans le magazine Reflet de Société.
Il est aussi vrai de dire que tout vide social que nous laissons derrière nous sera rempli. J’ai connu un des fondateurs du gang de rue des Bo Gars. Au départ, c’était un gang de jeune dans un parc qui ne savait pas trop quoi faire. Le gang a débuté un peu par hasard pour les occuper. Avec le temps, c’est devenu le gang que l’on connaît aujourd’hui.
Cela nous ramène à notre responsabilité sociale d’être près de nos jeunes, de les aimer et de grandir avec eux.
Je ne suis vraiment pas surpris de ce que vous dites sur la création du gang de rue des Bo gars. Ça serait intéressant de savoir comment les autres gangs de rue ont commencé, crips, bloods et autres gangs de rue. On pourrait faire le même exercice avec les Hells Angels et les Rock Machines tant qu’à y être.
Nous avons laissé les motards devenir des groupes criminalisés tels que les Hells Angels ou les Rock Machines. Allons-nous laisser les gangs de rue faire de même?
J’ai déjà entendu que les groupes criminalisés comme les Hells Angels et les Rock Machine contrôlaient les gangs de rue pour faire leur basse besogne et que la mafia se servaient des Hells Angels et des Rock Machine pour exécuter les leurs. Qu’en pensez-vous?
Les gangs de rue sont beaucoup moins structurés, hirarchisés et organisés que la mafia ou les groupes criminalisés tels que les Hells Angels ou les Rock Machine.
Il est vrai que la mafia a déjà donné des contrats aux Hells Angels. Il est vrai que les motards ont déjà fait faire des jobs aux gangs de rue. Mais ce sont des contrats ponctuels et non pas un ordre hiérarchique permanent. Disons que ce ne sont pas des « employés » mais des sous-contractants.
C’est évident que les motards, par le « poids » de leurs mots sont écoutés et respectés. J’ai déjà vu dans une prison des motards faire la discipline auprès des gangs de rue.
Est que nous avons le contrôle sur les gangs de rue ou si nous laissons les groupes criminalisés faire l’ordre et la discipline dans les rues à notre place?
C’est évident que si les gangs de rue ont plus peur des groupes criminalisés que des institutions sociales, nous avons un problème de société important.
Je pense que l’expérience que nous avons vécu de laisser des motards comme les Hells Angels et les Rock Machine prendre trop de place et de s’enraciner a sensibilisé les autorités pour éviter de laisser les gangs de rue faire de même.
On a pris beaucoup de temps à réagir aux gangs de rue, mais un travail est tout de même en cours.
Les médias ne cessent de parler de gang de rue. On entend presque plus parler des Hells Angels ou des Rock Machine sauf quand il y en a un qui passe devant la justice ou qui décède. Est-ce à dire que les gangs de rue sont à la mode pour les médias par les teemps qui courent?
Le traitement médiatique concernant les gangs de rue peut être questionné. Il arrive de lire, concernant un meurtre non élucidé qu’on finisse la nouvelle avec « ce meurtre pourrait être relié aux gangs de rue ». Il n’y a pas encore d’informations sur qui et pourquoi qu’on spécule sur les gangs de rue.